Faune Sauvage en 2014-2015

Au niveau national

Conscients que l’avenir, et dans certaines régions la survie, du cerf se joue d’abord dans la définition des politiques nationales, (en particulier en forêt domaniale), nous avons décidé d’entrer en relation avec ceux qui, ailleurs aussi, essaient de le défendre.

I- Création d’un réseau « Cerfs » en France

Début 2015 nous avons donc contacté les passionnés de cerfs que nous connaissions dans différentes régions françaises afin d’échanger expériences et points de vue au sujet de cet animal majestueux et de sa gestion. Nous avons lancé un appel à tous ceux qui, comme nous, sont attachés à la préservation, au bon développement et à la libre circulation de ses populations, restent curieux de mieux connaître et de faire découvrir ses mœurs uniques et mystérieuses,  sont soucieux de sensibiliser un large public au nécessaire respect qui lui est dû et demandent une gestion transparente et une chasse raisonnable.

A ce jour, nous sommes en relation avec les groupes ou associations d’une dizaine de départements qui partagent nos inquiétudes quant à l’avenir de nos forêts et à la place qui sera réservée aux grands animaux sauvages.

Nous réaffirmons notre souhait que ces nécessaires évolutions soient les fruits de dialogues constructifs plutôt que de conflits, mais nous apportons notre soutien sans réserve aux amis qui sont amenés à manifester leur désarroi face à des situations critiques.

II- Elaboration d’une «charte»

Nous avons proposé de rappeler quelques principes essentiels, qui résument les engagements des membres de ce réseau naissant :

– Le cerf est un animal sauvage et libre. Il n’est la propriété de personne mais le bien de tous.

– Le cerf a sa place dans toutes les forêts de France. Il peut circuler librement entre les  différents massifs pour permettre un brassage génétique.

– La gestion de ses populations répond aux besoins de l’espèce et à la préservation des milieux qu’il occupe. Elle se décide en toute transparence dans l’intérêt général.

– La chasse des cervidés tient compte des équilibres naturels. Elle préserve un nombre égal de femelles et de mâles et permet le vieillissement d’un nombre suffisant d’individus. Elle respecte la période de brame pour permettre aux meilleurs reproducteurs de transmettre leurs gènes.

– Les autres activités de loisirs en rapport avec le cerf (observation, écoute du brame, photographie, recherche des mues) sont pratiquées dans le respect de la quiétude des animaux pour éviter, en particulier, de perturber l’accès naturel à la reproduction des mâles adultes.

III- Publication sur notre site des actions fortes de nos partenaires

Nous avons relayé les actions de nos amis des forêts du Nord, de l’Oise et de Picardie ainsi que les retombées médiatiques de ces manifestations.

Au niveau local

Nous avons mené nos activités habituelles de recensement des animaux vivants et morts et de suivi des mâles sur le territoire défini, participé aux manifestations traditionnelles et poursuivi nos travaux mensuels de réflexion et leur publication.

I – Animation de la fête du brame à Vitray

Le succès de cette manifestation organisée par Vitray Festivités ne se dément pas. Malgré les gros orages de fin d’après-midi, les amateurs étaient présents au rendez-vous.

La projection du film et la conférence ont captivé un public au moins aussi nombreux, le samedi 20 septembre 2014, que les années précédentes.

Nous avons noté des questionnements plus positifs, dans un climat apaisé, portant davantage sur la connaissance des animaux. L’arrêt du tir des cerfs au brame a sans aucun doute permis d’évacuer ce point de cristallisation qui occupait les débats les années antérieures.

Nous remercions toutes les personnes qui nous ont encouragés, celles  qui ont participé bénévolement au comptage et celles qui nous ont apporté leur soutien au travers de leur adhésion et de leur participation à nos activités.

II – Comptage des cerfs bramants

Réparties sur 16 secteurs par équipe de 2 à 4, 45 personnes ont participé à cette seconde opération d’écoute simultanée que nous avons organisée, avec l’accord de l’ONF, sur l’ensemble du massif de Tronçais.

Le « découpage » du territoire en 5 zones permet de se faire une idée de la répartition globale des animaux en période de reproduction. L’activité reste pour l’essentiel concentrée autour de Vitray, conséquence possible de “l’effet réserve” de propriétés privées où la pression de chasse est plus raisonnable.

Nous notons parallèlement une diminution sensible de l’activité diurne avec des animaux méfiants, très mobiles ainsi qu’une dispersion et un étalement dans le temps.

III- Recensement des animaux

Suivi des mâles

Nous avons observé et identifié moins de mâles que les années précédentes, même si nous constatons l’apparition de quelques cerfs remarquables que nous ne connaissions pas auparavant.

Un nombre important de jeunes mâles prometteurs ont été prélevés prématurément.

Le nombre de mues déclarées trouvées par les chercheurs habituels est nettement inférieur aux à celui des années précédentes.

Plusieurs animaux connus de longue date ne sont pas réapparus au cours de cette saison.

Recensement des animaux morts

Réalisations officielles

Au cours de la saison, 283 cerfs, biches ou faons ont été légalement prélevés. 268 ont été tirés, 15 (uniquement des mâles) pris à courre.

En forêt domaniale, on compte 200 réalisations pour 286 attributions. En périphérie, 83 réalisations pour 167 attributions, soit moins d’un animal sur deux.

Cadavres retrouvés

Nous avons dénombré, triste record, 25 cadavres de cervidés (19 cerfs, 5 biches et 1 faon) cette saison. Si pour 2 ou 3 d’entre eux la mort est due à des blessures lors de combats au brame, pour la plupart des autres il s’agit d’animaux blessés lors de battues.

Comptages nocturnes

Cerfs bramants

Nous avons recensé 93 cerfs bramant le vendredi 26 septembre 2014 entre 21 heures et 23 heures. Le résultat est inférieur à celui de 2013 où nous en avions entendu 101 dans des conditions similaires.

Indice phares

Lors du comptage aux phares organisé par l’ONF les 26 et 27 mars 2015 (meilleure sortie), 446 cerfs, biches et faons ont été vus. En 2014 ce nombre était de 440.

IV Evolution

Population

Si les effectifs et les prélèvements légaux semblent globalement stabilisés à un niveau inférieur à la moyenne des dernières décennies sur les 14 000 hectares du massif de Tronçais et de ses environs immédiats, la quasi-absence de cervidés sur les 110 000 hectares boisés du reste du département est difficilement compréhensible.

Gestion

Le nombre global d’attributions reste trop élevé, en particulier en périphérie du massif. Le prélèvement d’un nombre important de jeunes mâles peut rapidement mettre en péril le renouvellement de la classe d’âge des actuels cerfs adultes.

L’attribution de bracelets indifférenciés, bradés à moitié prix pour le reste du département est une aberration tant écologique qu’économique. Cette volonté d’élimination systématique des petits noyaux de population, pourtant nécessaires pour éviter l’isolement, qui ne posent, ni à court ni à moyen terme, pas de réels problèmes ne trouve à nos yeux aucune justification.

Avec moins de 500 animaux comptés pour plus de 120 000 hectares boisés, l’espèce cerf reste donc très largement sous représentée au niveau du département et la population de Tronçais condamnée à l’isolement et à l’appauvrissement.

Remarques

En forêt domaniale, un seul cerf a été tué fin septembre, l’ONF a abandonné le tir des cerfs « bramants », et un seul cerf « mulet » a été prélevé durant la saison écoulée : pourquoi ne pas retarder la première chasse de quelques jours et éviter le prélèvement de mulets ?

Attentes

En laissant le cerf s’installer d’abord dans les massifs proches de Tronçais, puis de coloniser progressivement l’ensemble du département de manière contrôlée il serait possible de parvenir à un équilibre  plus favorable. Ce qui pose problème, ce n’est pas le nombre (très faible) de cervidés dans l’Allier, mais la concentration en quelques points des animaux et des hommes.

La dispersion n’est pas le problème, mais la solution !  L’utilisation de tout l’espace disponible permettrait d’améliorer la situation des animaux, de rendre plus supportables les dégâts et d’apaiser les tensions entre les différents acteurs.

Le second point qui mérite réflexion est la nécessité d’offrir au public, toujours aussi nombreux, en particulier en période de brame, un accueil (et peut-être un accompagnement) qui permette à chacun de profiter au mieux du spectacle sans faire fuir les acteurs.

La présence d’amoureux de la nature est vécue comme une calamité par quelques-uns, c’est pourtant une opportunité pour tous.

Jean-Jacques Limoges