Lettre ouverte à Madame la Préfète du Cher

Abattage à Epineuil-le-Fleuriel : après les ongulés, la propriétaire ?

Madame la Préfète,

Ayant été personnellement témoin, ce jeudi 9 mars 2017, de faits que je n’imaginais même pas possibles dans mon pays que je croyais jusqu’à ce jour démocratique et respectueux des droits fondamentaux de ses habitants, (faits commis sous votre autorité, dont vous trouverez les détails dans l’attestation sur l’honneur que j’ai établie à destination de la justice), je viens ici vous faire part du sentiment du citoyen éclairé, conscient et honnête que je me suis toujours efforcé d’être.

En signant successivement plusieurs arrêtés autorisant quelques louvetiers du Cher à abattre, de jour comme de nuit, cervidés et sangliers (d’abord aux alentours, puis sur la propriété de Madame Kaak à Epineuil-le-Fleuriel), vous avez choisi de privilégier des actions dont vous n’avez mesuré ni l’atteinte grave aux droits fondamentaux de Madame Kaak (entrave à la libre circulation, violations répétées de propriété privée, dégradation de ses biens, de sa santé, peur de sa famille, stress de ses animaux, préjudice moral) ni la dangerosité pour sa vie, celle de ses enfants et des personnes qu’elle reçoit. Vous aviez pourtant été prévenue du risque qui consistait à confier à ces « individus » pareille mission. Une lettre ouverte signée par plus de onze mille personnes vous a été adressée, un constat de gendarmerie attestait qu’ils avaient outrepassé vos ordres dès le premier arrêté, se livrant à un acte de braconnage. Vous auriez également pu consulter les articles de presse concernant leurs agissements antérieurs sur ces mêmes lieux, comme vous y aviez été invitée. 

A hauteur d’homme !! 2 ème impact de balle retrouvé à l’intérieur de la maison, après avoir traversé une fenêtre

Alors qu’un drame vient d’être évité miraculeusement (une balle de gros calibre a traversé la fenêtre du bureau de madame Kaak avant de se ficher dans le mur !), je veux encore croire, Madame la Préfète, que vous avez été bien mal conseillée, que vous n’avez pas apprécié la réelle portée de vos actes administratifs, que vous avez cédé aux pressions de quelques lobbies auxquels vos prédécesseurs avaient dû avoir beaucoup de mal à résister.

 

 

 

 

Je ne peux pas imaginer, Madame, que vous ayez, en pleine conscience, permis que durant quatre mois, au rythme de trois nuits par semaine puis durant trois journées ces « hommes » encerclent la maison d’une mère (qui élève seule ses enfants !), pénètrent sur sa propriété,  y circulent librement (alors qu’elle est consignée dans ses bâtiments et privée de visites !), tirent sans discernement et sans contrôle aucun avec des armes (létales à plusieurs kilomètres !). Bien que plus rien ne saurait me surprendre après les agissements que j’ai pu observer, j’ose espérer que le tir, qui pouvait être mortel, n’était pas délibéré, mais le résultat de l’excitation du chasseur qui perd tout discernement et toute maîtrise à la simple vue d’un gibier à tuer. 

Après avoir assisté à la dernière d’entre elles, je m’interroge sur les motivations réelles de ces actions de destruction massive. Trois « prétextes » sont évoqués dans vos écrits.

Le risque d’accident de la circulation ne tient pas. Force est de constater que des animaux qui paissent dans des prairies naturelles sont beaucoup moins dangereux que lorsqu’ils sont poursuivis par une meute de chiens et, franchement, le trafic sur les routes d’Epineuil et donc la probabilité de collision restent assez modérés !

Le risque sanitaire reste minime. S’il fallait abattre tous les troupeaux d’une centaine de têtes en France, nous aurions sans doute intérêt à devenir végétariens ! 

Enfin, pour limiter la concentration de grands animaux et réduire les dégâts aux cultures voisines, vous avez d’autres choix : 

– ordonner la capture des animaux dont vous estimez qu’ils sont trop nombreux (plutôt que d’en décider le massacre avec les risques que cela comporte),  

  • imposer aux agriculteurs chasseurs qui ne clôturent leurs champs que partiellement pour profiter de la chasse, de ses revenus, du gibier et des indemnisations de choisir entre venaison et céréales,
  • attribuer aux chasseurs alentours des femelles plutôt que des mâles (qui ne font pas de petits),
  • interdire la chasse aux chiens courants (qui contribue très largement à regrouper les animaux et à augmenter les dégâts aux cultures et clôtures),
  • user de votre autorité pour que les passages à gibier prévus lors de la construction de l’autoroute soient réalisés.

Je crains, Madame la Préfète, que l’effet réellement recherché soit le départ de Madame Kaak. Il est vrai que sa propriété, tant pour la beauté du site que par la richesse des terres, étangs et bois (sans compter la valeur cynégétique pour un chasseur !) pourrait peut-être trouver acquéreur parmi ceux qui réclament avec véhémence les actions que vous avez autorisées avec, je le crois, une bien grande « légèreté ». Si elles sont sans doute conformes aux règles administratives, elles ne répondent, à mon avis, ni au plus élémentaire respect des personnes (auquel je suis viscéralement attaché), ni aux conditions minimales de sécurité (si un tir a traversé la maison, dans cette direction il pouvait aussi atteindre un véhicule circulant sur l’autoroute !). A ce titre (et comme les milliers de personnes qui vous ont alertée), j’aimerais que l’enquête diligentée dans cette affaire dont la victime première est Madame Kaak, (et dans une moindre mesure, les quelques voisins agriculteurs qui ne tirent pas de bénéfices substantiels de la chasse), permette de faire toute la lumière. J’aimerais également vous voir vous engager personnellement et sans équivoque à mettre un terme définitif à ce véritable « harcèlement » auquel vous avez contribué, à en rechercher les responsables et à les sanctionner à hauteur des manquements constatés. Il vous appartient d’ors et déjà de retirer, sans plus attendre, armes et permis de chasser à des individus aussi dangereux et bien sûr de les radier du corps des louvetiers.

Dans la mesure où vous n’avez pas pris en compte les nombreux avis qui vous ont été précédemment adressés, dans la mesure où vous avez usé de l’autorité que vous confère la haute fonction qui vous a été confiée pour mobiliser, à plusieurs reprises et en nombre, les forces de l’ordre pour encadrer ces dizaines de « parties de chasse gratuites » que vous avez de fait offertes à ces « messieurs », je me vois dans l’obligation d’informer Monsieur le Ministre de l’Intérieur et Monsieur le Premier Ministre aux noms desquels vous êtes censée agir, dans l’intérêt général et pour la sécurité de tous, au pays des droits de l’Homme et du Citoyen. Il leur appartiendra de juger de la pertinence de vos choix, de la compétence des responsables de vos services et de vos conseillers, du bien fondé de la participation des personnels de gendarmerie à de telles besognes dans cette période où ils pourraient être autrement plus utiles dans des missions dont l’importance est avérée. 

Veuillez toutefois agréer, Madame la Préfète, l’expression de ma considération.

Avermes, le 20 mars 2017

Jean-Jacques Limoges
Citoyen français indigné

Attestation sur l’honneur jointe
Copie à Monsieur le Ministre de l’Intérieur
Copie à Monsieur le Premier Ministre