Le débat est relancé par les associations naturalistes. La gestion de la forêt de Tronçais par l’Office National de Forêts est mise en cause. Explications.
Depuis 1994, plusieurs associations s’inquiètent du devenir de la forêt de Tronçais en regard de la gestion mise en place par l’ONF. Dans le but d’alerter l’opinion, elles se réunissent périodiquement sur ce sujet et le constat dressé lors de leur dernier point presse est plutôt alarmant. « Nous remettons en cause la politique de l'Office National des Forêts qui impose à Tronçais une gestion où la mission de production du bois l'emporte sur les autres missions de l'Office. Dans ces conditions, le massif forestier de Tronçais ne peut plus prétendre être la plus belle chênaie d'Europe », s’insurgent les représentants de ces associations (1). Et les griefs sont nombreux : instauration de cloisonnements tous les 6 mètres, alors qu’ils étaient de 50 mètres auparavant, réduction du cycle de maturation de chênes passé de 250 ans à 180 ans, d’où une surexploitation du bois, coupes d'éclaircies trop importantes, coupes d’arbres remarquables, emploi d'engins lourds entraînant un tassement du sol, broyage dans les cloisonnements d'exploitation, même en période de reproduction. La biodiversité se trouve ainsi menacée autant que l'harmonie du milieu naturel, la beauté du site est altérée par l'artificialisation et la sylviculture intensive mise en œuvre. « Comment peut-on, selon la formule de l'ONF, produire plus de bois et augmenter la biodiversité ? » Pour les naturalistes, ce sont deux propositions contradictoires. « On assiste à une transformation incroyable du paysage qui entraîne une réduction dramatique de la faune et de la flore en quelques années. L’instauration de périmètres de protection autour de quelques zones sensibles n’a aucun sens si le biotope des secteurs voisins est détruit. Aussi, nous demandons le classement de tout le massif en zone Natura 2000, (seulement 1151 hectares sur 12 000 actuellement) l’extension de la réserve naturelle de Nantigny et la création de nouvelles ZNIEFF (zones naturelles d'intérêt écologique faunistique et floristique)». Par ailleurs, la pression de la chasse est également considérée comme trop forte, qu’elle soit à courre ou à tir, ce qui entraîne une diminution du cheptel de cervidés. Enfin, le fonctionnement du comité de pilotage mis en place pour obtenir le label « Tronçais forêt d’exception », au sein duquel des groupes de travail ont été constitués, est également mis en cause. « Le groupe communication vers le grand public a beaucoup travaillé, mais avec l’objectif de faire passer l'ONF pour un grand défenseur de la nature ! En revanche, les groupes patrimoine culturel et patrimoine naturel n’ont pas été au bout de leurs travaux… ».
Alors, Tronçais forêt vivante ou usine à bois, le débat est lancé.
La biodiversité de Tronçais en déclin
A titre d’exemple, sur 11 espèces de rapaces recensées sur le massif il y a 30 ans, seules 4 sont encore présentes, dont 3 protégées : l’aigle botté, la bondrée apivore et l’autour des palombes. Une autre espèce protégée, la cigogne noire, récemment installée, n’a pas été retrouvée cette année. Le massif de Tronçais abrite également une très importante colonie de chauves-souris de l’espèce Grand Murin et les changements apportés risquent de compromettre leur survie. Quant aux cerfs, leur nombre serait en régression et la Commission Départementale de la Chasse et de la Faune Sauvage a décidé d’éliminer ceux qui se trouvent à l’extérieur du massif afin qu’il n’y ait pas d’installation durable. Les associations dénoncent aussi le tir de reproducteurs à l’approche, organisé par l’ONF à l’époque du brame, moyennant finance en fonction du trophée convoité. Une pratique par ailleurs dangereuse pour le public, très présent en forêt à cette époque.
La réserve biologique intégrale de Nantigny
Créée en 2004 sur 100 hectares, la réserve biologique intégrale de Nantigny bénéficie d’un statut qui exclut toute exploitation forestière et toute intervention humaine susceptible de modifier la composition ou la structure des habitats naturels. « 100 hectares, en regard des 12000 hectares du massif, c’est symbolique, estiment les associations, qui réclament son extension ».
Maurice DUPERAT
La semaine de l’Allier, 31 octobre 2013